Les commandes pour noël sont à peine expédiées. Les e-commerçants que nous sommes sortent la tête de l'eau. Voilà que tombe du ciel un amendement surprise dans le dernier projet de loi adopté au sénat.
Dans le e-commerce on aime bien les cadeaux au pied du sapin, mais celui-ci n'était pas sur la liste que la profession a envoyé au père noël !
Mayday Mayday de quoi s'agit-il ?
Alors que le texte définitif n'était pas encore connu, j'ai pu commencer à lire un peu tout et surtout n'importe quoi sur le net: La mort du e-commerce, la gratuité des frais de renvoi ou l'obligation de rembourser les frais de retour...
La Fevad et l'Acsel ont envoyé plusieurs e-mails afin de tenir les adhérents informés de la situation et des démarches en cours.
Qu'en est il vraiment au bout du compte ? Je suis allé faire un tour sur le site du Sénat pour lire de quoi il en retourne exactement:
- Voici le document de travail de la loi Chatel où les dispositions surprises sont apparues
- Voici le texte de loi définitif qui modifie la Loi Chatel - article L. 121-20-1
Comme toujours c'est imbitable à la première lecture (ils sont quand même d'un autre monde ces juristes...)
Mais ça sort d'ou ce truc ?
Dans le fond je trouve des choses intéressantes au sein de la plupart de ces dispositions. Mais la manière dont a été adopté cette loi est tout à fait lamentable et démontre un mépris profond d'un des secteur économique majeur du net (voir à ce propos le communiqué de la Fevad).
Du coup il y a de quoi s'interroger: D'où sortent ces idées puisqu'aucun professionnel ou représentant de la profession n'a été consulté au préalable ?
Qui a eut l'amabilité de se creuser la tête afin de trouver ce dont les e-commerçants avaient besoin sans prendre la peine de les déranger en pleine période de noël ?
C'est d'autant plus surprenant que l'assemblée nationale avait déjà bien travaillé: plus de 300 amendements dont aucun sur le e-commerce. Celui qui a eut cette grande idée devait penser que les députés sont des étourdis.
Alors ?
Les marges arrières sont mises à mal dans la distribution traditionnelle pour booster le pouvoir d'achat. Du coup j'imagine que c'est une sorte de contrepartie pour les grands distributeurs à qui le web fait de l'ombre ?
De fait, la levée de bouclier de la profession est bien naturelle. Et il semble que l'application de cette loi soit repoussée au mois de juin.
De toute manière une partie des contraintes sont aujourd'hui tout simplement impossible à mettre en oeuvre techniquement...
Et ça va changer quoi concrètement ?
Difficile de mesurer immédiatement toutes les conséquences. Je ne suis pas un expert ni un juriste. Les contraintes changent beaucoup d'un e-commerçant à l'autre en fonction du type de produits/services vendus. Voici ce que j'ai cru comprendre concernant mon secteur d'activité:
Les frais de retour en cas de rétractation seront toujours à la charge du consommateur
En effet le texte change l'article L 121-20-1, mais l'article L121-20 reste lui inchangé. Il indique:
"Le consommateur dispose d'un délai de sept jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l'exception, le cas échéant, des frais de retour."
Pourquoi préciser alors qu'il faut "rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées" ? Probablement pour éviter que l'e-commerçant ne vous fasse un avoir, donc éviter que l'on vous force à racheter dans la même e-crèmerie si vous n'en avez pas envie...
Le hic c'est que la gestion des retours demande un sacré logistique, que cela à un coût. Or il n'est pas normal que le consommateur qui achète son produit normalement paye indirectement pour celui qui s'est peut-être trompé ou à changé d'avis en cours de route.
Le service téléphonique est gratuit tant qu'on a pas une vraie personne au bout du fil pour régler les problèmes
Plus un marchand est mauvais, plus les clients appellent. Moins il répond vite, plus il gagne d'argent. C'est vrai que ça n'incite pas à faire du bon boulot à la base. Mais cette réponse est elle adaptée ?
D'abord c'est un sale coup pour les opérateurs et les e-marchands qui se démènent à mettre en place des serveurs vocaux synthétiques performants. D'autre part ça va rendre les call-centers offshore encore plus attractifs car les revenus de la hot-line couvriront moins bien les coûts des équipe en France.
D'un autre côté cela pourrait accroitre la rentablité de technologie comme les agents conversationnels. Mais dans le même temps les systèmes de click-to-call payants vont eux trouver une sérieuse épine dans le business model !
Enfin c'est tout simplement impossible à faire pour l'instant car la plupart des plate-formes d'acceuil ne savent pas répercuter ça sur la facture de celui qui appelle...
Le e-marchand va devoir indiquer obligatoirement une date de livraison.
Si cette date n'est pas respectée le contrat est rompu et le client peut exiger d'être remboursé ou négocier d'attendre. Si la livraison tarde trop et que le client refuse la marchandise il ne s'agit plus de rétractation mais de rupture de contrat.
Rien de neuf pour Discounteo. Cela etait dèjà la règle pour les commandes de plus de 500€. Désormais ce sera applicable pour tout produit !
D'un côté cela va faciliter la vie des guides d'achat en ligne qui vont pouvoir comparer le délai garanti pour tous les produits. Fini les "en stock", "livraison 48h" sans indiquer qu'il y a 7 jours d'approvisionnement et 1 journée de préparation...
C'est aussi un pas vers la mise en conformité avec le droit européen alors que l'on arrivait en dernière limite de transposition. Mais pourquoi uniquement le délai de livraison et pas le reste ? (La disponibilité, les conditions de service après vente et les frais de port...)
Un vrai problème pour les VADistes: sur le net il est simple d'indiquer un délai qui change en temps réel. Ce n'est pas la même affaire sur un catalogue papier.
Côté transporteur, cela va remettre un coup de barre vers la réduction des délais de livraison alors que l'intérêt du consommateur et de la société serait de favoriser une transition des sociétés de livraison vers un modèle flexible plutot que rapide (moins de passages inutiles, moins de pollution...). On va donc à contre-sens...
D'autres articles sur le sujet:
ZDnet note qu'il s'agit d'une mauvaise surprise pour les e-commerçants
JdN récapitule ce que cela devrait changer pour les consommateurs
Silicon précise que l'UFC que choisir est content de cette loi
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Cela me rappelle la transposition de la DEEE l'an dernier: Un bout de texte avait été rajouté dans le texte français pour imposer la gratuité de la reprise à domicile des déchets. Ce qui au final impose une contrainte économique de plus aux eco-organismes au vu du droit européen; alors que la mise en place de la filiale est un énorme bordel encore un an après. Du coup personne ne veut payer l'addition. C'était bien vu: Bravo...
Ca me rappelle que je suis content de ne plus être chef d'entreprise ;-) Bon courage, Daniel !
Rédigé par : Capitaine Commerce | 21/12/2007 à 22:23
"Du coup il y a de quoi s'interroger: D'où sortent ces idées puisqu'aucun professionnel ou représentant de la profession n'a été consulté au préalable ?"
Sans vouloir faire de procès d'intention à quiconque : faut-il vraiment consulter les voleurs "professionnels" avant de promulger une loi ?
Rédigé par : bruno bichet | 22/12/2007 à 01:25
Je ne comprends pas trop le commentaire précédent, mais n'est pas justement le role de la FEVAD et de l'ACSEL (entre autres rôles), de faire du lobbying actif auprès de nos parlementaires pour éviter que ce genre de projets de loi ne voie le jour?
Rédigé par : Julien | 22/12/2007 à 02:44
...pfff..c'est un peu désespérant...Heureusement que je lis ton blog pour me tenir au courant et comprendre toutes les futures barrières de développement que je vais rencontrer...J'en ai mal à la tête...
Rédigé par : Benoit | 22/12/2007 à 10:09
On voit bien les amalgammes et tendances lourdes qui sous-tendent ce texte, mais comme pour les précédents récents portant sur l'économie numérique, on ne peut que constater une sous-expertise caractérisée de celle-ci, non-compensée par une quelconque concertation d'avec la profession.
Au final, come tu le soulignes, les mesures vont à contresens de la qualité pour le consommateur et surtout du développement économique (je connais quelques centre d'appels installés en France et misant sur la qualité qui se font déjà des cheveux blancs).
À l'époque de la DADVSI (2 ans), j'avais déjà souligné l'absence de poids des acteurs de l'internet devant les lobby traditionnels. La FEVAD n'en a pas assez, visiblement et Renaissance Numérique n'en est qu'au tout début. Faudra-t'il des actions dures pour se faire entendre ?
Rédigé par : Alexis Mons | 23/12/2007 à 09:48
Franchement je peux vous dire avoir lu la loi chatel en long en large et à travers et c'est explicite en cas de rétraction du client quelqu'en soit la raison le commerçant devra rembourser les frais de retour au consommateur.
Cela signifie qu'un client peut vous commander 4 jeans, vous renvoyer les 3 qui ne lui vont pas à vos frais.
Et pire si un client veut vous couler il peut vous passer 50 commandes par semaine et fait jouer les frais de rétractation... en plus de faire 0€ de CA vous avez les frais aller et retour à suppporter. Je suis scandalisé !
Rédigé par : FX | 23/12/2007 à 12:20
Bruno > Le e-commerce représente des milliers d'emplois. Changer la reglementation a un impact economique dont il est bon de se soucier. S'il existe quelques marchands peu scrupuleux, est ce une raison pour pénaliser tous ceux qui font des efforts permanents pour leurs clients ?
Surtout que dans le cas présent il y a eut de nombreux debat à l'assemblée et cela n'a jamais porté sur le e-commerce.
Alexis > La Fevad fait un très bon travail. Mon sentiment c'est surtout que le gouvernement actuel n'est pas du tout ouvert à l'economie du net...
FX > Je ne suis pas spécialiste du droit.
Toutefois je remarque que la nouvelle loi ne change que l'article L 121-20-1 et pas le L 121-20 donc je ne vois pas pourquoi on devrait rembourser les frais de retour
D'ailleurs dans le dernier mail que j'ai reçu de la FEVAD ils indiquent:
"un autre amendement pour indiquer ce qu'il convient de rembourser au consommateur, en cas d'exercice du droit de rétractation, à savoir "la totalité des sommes versées" (à l'exclusion des frais de retour)."
Or à la FEVAD ils ont des juristes très compétents, donc j'ai tendance à continuer de penser que ce ne sera pas le cas...
Rédigé par : Daniel | 23/12/2007 à 21:00
Pour moi une seule constatation générale : cette loi va à l'encontre du renforcement du pouvoir d'achat des consommateurs... puisque que chacune des mesures va imposer aux e-commercants d'augmenter leurs prix pour gérer le risque financier qui en résulte...
Ma réflexion sur le sujet :
http://www.anteane.fr/index.php/E-commerce/Loi-chatel-sur-le-e-commerce-nuit-au-renforcement-du-pouvoir-d-achat.html
Rédigé par : anteane | 24/12/2007 à 07:48
Merci pour le lien Anteane
Je partage ton avis sur l'augmentation des prix qui est in-fine l'objectif visé par les autres acteurs de la distribution et les marques
Rédigé par : Daniel | 24/12/2007 à 10:54
Je viens de relire l'article sur la loi Chatel et le paragraphe sur le remboursement des frais de ports n'est pas clair. Ils évoquent le remboursement de la totalité des sommes engagés par le consommateur. Hors on peut considérer que les frais de retour entrent dans cette catégorie.
Rédigé par : fx | 25/12/2007 à 11:50
Justement non puisque l'article L-121-20 dit le contraire
D'ailleurs même si ce n'etait pas le cas cela necessiterait surement un complement de jurisprudence car le client qui renvoit un article en chronopost au tarif public serait il a rembourser alors qu'un Colissimo aurait suffit ? Il y aurait matière à litiges...
Rédigé par : Daniel | 26/12/2007 à 09:09